Gibraltar. Le rocher et la versatilité culturelle

February 27th, 2014 Posted by Express yourself
A 25 minutes du vol de Tanger, l’avion atterrit sur une piste assez courte, traversée par l’unique route reliant un grand rocher du calcaire à l’Espagne. Le bleu méditerranéen l’entoure. On y est ! Gibraltar, le fameux territoire britannique d’outre-mer, situé au sud de la péninsule Ibérique: sujet de tant de luttes, disputes et poèmes ! A l’apparence d’un univers coloré, vibrant et auto-suffisant, un des plus australs points de l’Europe, en bordure du détroit de Gibraltar qui relie la Méditerranée à l’océan Atlantique, il est un véritable carrefour des péripéties du monde entier, depuis l’antiquité, jusqu’à nos jours.

Parait-il que suite à une histoire assez tumultueuse qui débute au temps de Neandertal, les habitants du Rocher ont raffinés leur versatilité culturelle, tout en renforçant leur identité suite à chaque choque de l’histoire.
À la nuit de temps et des mythes, le rocher formait l’une des anciennes colonnes d’Hercule, ayant comme correspondent sur la rive africaine, le mont Abyle (Mons Abyla), aujourd’hui djebel Musa. Selon le récit de Platon, le royaume perdu d’Atlantide était située au-delà de ces colonnes. Les Phéniciens y fondent une colonie vers 950 av. J.-C., suivis par les Carthaginois, puis par les Romains. C’est à Gibraltar que débute la conquête musulmane de la péninsule Ibérique ; Tariq ibn Ziyad y débarque en 711 et laisse son nom au rocher, Djebel al-Tariq (« la montagne de Tariq »), devenu au fil du temps et des transformations phonétiques « Gibraltar ». Disputé entre Castillans catholiques et musulmans de Grenade et du Maroc au XIVe siècle, il est définitivement conquis par les premiers sous le règne d’Henri IV de Castille en 1462. Le rocher tombe aux mains d’une flotte anglo-néerlandaise en 1704, durant la guerre de Succession d’Espagne, et les traités d’Utrecht de 1713 le cèdent au Royaume de Grande-Bretagne. Par la suite, l’Espagne tente à plusieurs reprises de reprendre Gibraltar, notamment lors du Grand Siège de 1779-1783, mais ne parvient pas à en déloger les Britanniques. Au XIXe siècle, sous l’Empire britannique, la base navale de la Royal Navy installée à Gibraltar est l’un des sites stratégiques permettant à la flotte britannique d’asseoir sa suprématie navale en Méditerranée.
Jusqu’à ce jour, Gibraltar reste un sujet de tensions politiques entre les Britanniques et les Espagnols, l’Espagne rêvant toujours s’approprier son passé éphémère ; quant au peuple de Gibraltar, il est fortement attaché à son évolution de plus de 300 ans en tant que Britannique, et son identité s’est naturellement développée sur ces coordonnés.  C’est intéressant de suivre l’histoire de ce rocher, disputé entre des puissances coloniales, afin de comprendre son présent, aussi bien que cette diversité culturelle et la dynamique qui le rend unique.
Entre les plus éblouissants incidents modernes, la fermeture de la frontière ordonnée par le dictateur espagnol Fracisco Franco le 8 Juin 1969,  qui a gardé le peuple de Gibraltar sans accès directe à l’Espagne jusqu’en 1985, toute en le coupant les liens directes  avec ses voisins et amis qui vivaient de l’autre cote de l’isthme. Des vies ont été brutalement cassées à l’époque, car il y a avait un circuit économique, et culturel, aussi bien que des familles mixtes. Au-delà de la stupeur et de la frustration, de la difficulté d’être en contact avec ceux restés de l’autre côté de la frontière, cet évènement a donné un nouveau impulse à l’identité gibraltariene. Eux-mêmes l’expliquent des fois : ils l’ont pris comme une occasion de se replier sur soi-même, prêts à tirer le meilleur d’une mauvaise situation. De nombreux clubs, associations et sociétés ont été formées. Ils ont développé de nouveaux intérêts; le résultat, au présent, beaucoup de gens qui excellent dans certaines domaines, de la philatélie aux échecs, à la dance, de l’anthropologie, au tai chi ; tout un univers ouvert au développement des passions et du potentiel humain ; la polyvalence est devenue une seconde nature ici.  
Les Gibraltarians ont appris à prendre leurs destins entre mains, et en faire le mieux. Au présent, ce territoire britannique d’outre-mer, bénéficie d’un vif système social et économique qui le rend prospère et attractive au niveau mondial.
Pour le voyageur versé, c’est un petit paradis de bonheur et diversité : sur 6 km carrés on retrouve le cosmopolitisme du New York, les charmes des derniers urbanistes romantiques et les surprises d’une nature exubérante.  On y trouve des églises, un temple hindou, une mosquée, une synagogue, tous les coins de rues ont une histoire ; il y en a les atouts d’un monde qui est prêt à célébrer la diversité, de l’intellect au gout, une pléiade des nuances et mélanges se révèlent aux curieux. L’étiquette se retrouve à l’aise entre le bon viveur méditerranéen et le savoir-faire britannique. La communication se déplie légèrement entre un impeccable Anglais et l’ espagnol plein de caractère, épicée avec des mots d’origine arabe, maltaise, italienne ou hébreu; les connexions se font naturellement, car n’importe d’où on arrive, il y a une forte probabilité que le Gibraltarien y soit introduit : d’origine britannique, avec des racines espagnoles, génoises, portugaises, marocaines, juives, maltaises, indiennes, il est bien exposé au monde, mais a une forte conscience de son appartenance au rocher et à cette culture unique.
Depuis le premier moment passé à Gibraltar, je me suis sentie comme entre amis. Les couleurs, les histoires, les gouts peuvent entre différentes, mais on partage des valeurs communes : respect de la diversité, tolérance, un certain savoir vivre, l’humanisme …aussi bien que une résilience qui fait qu’on est « dure comme le rocher », et prêt à rebondir face aux difficultés. J’ai eu la chance de passer des longues journées au bord de la mer, en recueillant des opinions sur leur identité, et leur culture; mais finalement je me rends compte que la meilleure manière de les comprendre c’est d’y vivre et suivre cette dynamique.
 
Extraits d’une conversation avec Ms. Gail Francis Tiron, Directrice du Bureau Information, peintre et une de Miss Gibraltar.

Vivre dans un territoire multiculturel. Quelques repères ?
La position stratégique de Gibraltar, et les événements historiques ont attiré des gens de partout dans le monde de s’y installer. Dans le passé, il y a eu les visites des régiments de la partie continentale du Royaume-Uni, beaucoup sont restés ou retournés au rocher, et ils ont mariés des locaux. Un autre exemple est notre port, et la réparation navale qui a attiré les Maltais. Une communauté qui venait de Gênes s’est cristallisée sur le rocher quand ils fuyaient les guerres napoléoniennes. Il y a aussi une communauté hindoue et une communauté juive, sans oublier notre communauté marocaine loyale.
Une autre raison, plus moderne pour les personnes qui déménagent à Gibraltar est de trouver le travail dans un monde où le chômage est à la hausse. L’emploi dans le domaine, e-service, financier, informatique, assurance, juridique ou comptable attire des gens de l’étranger mais il y a aussi d’autres qui trouvent un emploi dans des endroits plus décontractés, comme des bars, des restaurants ou des magasins. C’est la base d’un bon nombre de sociétés internationales, qui choisissent Gibraltar à fin de fonder leur siège social.
Comment tous ces différents groupes ethniques se sont intégrés pour devenir une famille ? Quel est le liant pour rester ensemble comme nation?
Sans doute, le respect des traditions de chacun et le partage. Nous avons plusieurs événements tout au long de l’année où nous célébrons les différentes identités qui composent le « Gibraltarian ». Si vous jetez un coup d’œil à notre liste d’événements http://www.visitgibraltar.gi/events nous avons des événements tels que World Music Festival, Calentita Food Festival, le Festival International d’Echecs.  

Le rocher entre l’Europe et l’Afrique. Des perspectives historiques et du développement: quelle est la relevance stratégique?
Gibraltar est situé à un excellent carrefour où l’Europe rencontre l’Afrique, et à l’entrée de la Méditerranée vers l’Atlantique. Traditionnellement, ce fut une importante route commerciale et elle y reste ; d’addition des vols à destination et en provenance du continent africain ont été introduits. Cela a relié l’Europe avec un parcours de seulement 25 minutes de trajet.

Trois choses qu’on peut trouver qu’à Gibraltar?
  • la plus étroite traversée maritime entre l’Europe et l’Afrique
  • Macaques berbères en liberté (en Europe de toute façon, c’est le seule endroit) et les dauphins vivant libres dans le port
• une dune de sable de Neandertal et des trouvailles archéologiques qui prouvent que Gibraltar fut le dernier endroit sur la terre qu’ils habitaient
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